vendredi 25 avril 2014

Un petit tour au Music Hall


Comparer des câbles USB... Est-ce bien raisonnable ?

Etant à la recherche d’un câble USB de haute qualité à utiliser dans le cadre d’enregistrement en studio (où ce ne sont pas 2 canaux qu’il me faudra transmettre entre un convertisseur analogique/numérique et un ordinateur, mais 16 - et de manière bidirectionnelle, c’est-à-dire en fait l’équivalent de 32 canaux à 96 kilohertz et 24 bits !), je me suis naturellement confié à mon ami Martial Hernandez, bien connu pour ses amitiés numériques électives. Lui qui a numérisé des milliers de CD et a constitué de kolossales bases de données portatives sur disque dur connaît tout ou presque du sujet. En tout cas, il maîtrise ce sujet du point de vue de l’utilisateur chevronné et non de l’audiophile coupant le décibel en 2quelquechose, et c’est ce qui m’importait.

À son invitation, je me rends donc chez Music-Hall où il officie quelques jours par semaine, à l'optimisation des très beaux systèmes en écoute dans l’auditorium du sous-sol. 

Objectif : comparer auditivement 3 modèles de câbles, dont deux représentants de la gamme Wireworld, fabricant américain réputé notamment pour ses conceptions "numériques".

Première écoute avec un câble USB de base du type de celui livré avec n’importe quel périphérique informatique et que l’on trouve dans tous les magasins pour une somme qui n’excède jamais 10 à 15 €. Sans autre point de comparaison que la lecture CD (sur une très bonne machine), nous commençons le test avec un titre de l’album Asking a Cosmopolitan de Karim Blal. Quantitativement, on pourrait dire de 80 % des informations sont là, mais c’est au niveau de la présentation que le bât blesse une oreille exigeante. Si elle ne manque pas de détails, la  restitution révèle immédiatement un caractère empâté, cette fameuse sonorité de "boîte à godasses". Le type même de résultat qui peut inciter les esprits chagrins ou passéistes à conclure trop vite que la lecture dématérialisée à partir d’un ordinateur est consubstantiellement incapable d’une bonne musicalité.

Or, Martial Hernandez connaît parfaitement ces nouveaux territoires de la musique dématérialisée et sait ce que l’on peut en tirer. Il sait également qu’un CD correctement rippé et présenté à un bon convertisseur est capable de réduire au silence (admiratif) tout ceux qui se perdent en conjectures sur les vertus relatives des enregistrements haute définition que l’on peut aujourd’hui télécharger ici et là. Pourvu évidemment que les différents maillons impliqués (y compris bien entendu le câble USB qui relie l’ordinateur au convertisseur) soient tous d’un niveau de qualité cohérent (et aussi élevé que possible). Pour un amateur un peu averti, il est donc facile de pressentir quel compartiment de jeu pourrait bénéficier d’un remplacement par une meilleure référence, car en plus du son "carton", la restitution affiche un côté raide un peu caricatural.



Nous passons donc rapidement au modèle Wireworld Starlight 7 (rouge), qui dès les premières notes, ouvre énormément le bas du spectre et fluidifie sensiblement le message. Toute coloration semble désormais abolie, la musique s’écoulant avec beaucoup de naturel et de matière. C’est particulièrement le cas avec les Artemis interprétant le quatrième quator de LVB. Bien que les nouvelles enceintes Tannoy DC 10 A ne soient pas encore complètement rodées, la matière sonore est bien pleine, les motifs rythmiques bien détourés, les traits d’archets bien marqués, mais avec un côté acidulé un peu persistant que l’on peut mettre sur le compte de la verdeur résiduelle des transducteurs.

Si l’écart qualitatif entre ces deux premiers câbles est manifeste (et justifié vu le rapport de prix) on a du mal à imaginer que le changement pour un modèle supérieur puisse être aussi sensible. Or le passage au modèle Starlight 7 Platinum (gris argenté) est sans appel. Il apporte de nouveau un surcroît de fluidité très sensible. Cette fois, le côté un peu forcé de l’exécution musicale disparaît pratiquement et tout semble beaucoup plus naturel encore. La scène sonore, initialement assez contrainte, s’est magnifiquement ouverte. Avec le système coaxial Tannoy, elle atteint des sommets de précision.


L'écoute la plus spectaculaire se fera néanmoins avec Ella Fitzgerald sur le titre "Good Morning Heartache" tiré d’une compilation CD éditée par Gitane Jazz. Entre les deux références Wireworld (nous avons abandonné le câble de bicyclette comme le baptise affectueusement Martial) ce n’est certes pas le jour et la nuit car le Starlight 7 était déjà très convaincant. Mais l’apport du modèle de haut de gamme est indéniable et se concrétise magnifiquement dans l’expressivité du chant d’Ella Fitzgerald. A l’analyse, ce sont les inflexions de voix de l’immense chanteuse qui sont ici parfaitement retranscrites, ce qui confère une humanité inédite à son chant, et donne tout leur sens aux paroles mélancoliques de cette chanson. Avec le modèle Starlight 7, l’attention de l’auditeur était assez vite attirée par la signature sonore du micro, sa tendance à la sibilance. Le modèle Platinum restitue quant à lui une matière sonore plus charnue, plus pleine, qui relègue au deuxième plan les artefacts de prise de son. L’apport du modèle haut de gamme se traduit donc pleinement en termes de plaisir musical ressenti, d'implication, et non pas sur des aspects purement techniques de la reproduction.


Conclusion

Dépenser plus de 600 € dans un cordon USB audio (susceptible de coûter plus cher que l’ordinateur lui-même !) paraît peut être absurde dans l’absolu. Mais il n’y a qu’à faire un essai pour être convaincu du bien fondé de la démarche. Évidemment, l’écart entre le modèle Starlight et le Starlight Platinum est moins marqué que celui qui existe entre un câble de base est un câble USB audio de bonne qualité. Il y a comme le dit Martial un effet de nivellement par le haut. C’est la fameuse loi des 20/80. Néanmoins, dans le cadre d’un système de très haut niveau comme c’est le cas ici, le modèle Platinum s’impose assez naturellement, sans que l’on ait besoin de se perdre en laborieuses comparaisons croisées. 

Et dans un système haute-fidélité de moyenne gamme ou d’entrée de gamme, le recours au plus abordable Starlight 7 constituera un socle qualitatif minimal qui permettra d’apprécier la musique dématérialisée lue avec un ordinateur sans se poser de questions métaphysiques. Certes, nous aimons la métaphysique (et pour certains d’entre nous, la pataphysique même).  Mais comme le dit Martial citant lui-même Engels : "La preuve du pudding c’est qu’on le mange". La preuve que l’ordinateur peut désormais avoir sa place dans la chaîne hi-fi c’est que cela fonctionne, et plutôt très bien si on s’en donne les moyens... Il est en effet utile de s’entourer d’un certain nombre de précautions, mais qui ne sont ni très ésotériques ni très inaccessibles : choisir un bon player software (JRiver par exemple), une connectique de qualité et un DAC étudié pour compenser la jigue naturelle des ordinateurs, dont les circuits d’horloge restent en général très perfectibles. Le reste n’est que littérature !

Wireworld Starlight 7 (rouge) en 1 m : 119 €
Wireworld Starlight Platinum (gris argenté) en 1 m : 599 €


Enceintes Tannoy Definition DC 10 A

Cette expérience édifiante s’est complétée chez Music Hall de la découverte du nouveau modèle d’enceintes Definition DC 10 A du constructeur anglais Tannoy. Sur ce modèle, Tannoy abandonne le look british suranné qui caractérise sa production depuis toujours. La DC 10 A est en effet une imposante colonne laquée noire sans aspérités, reposant sur un socle massif en aluminium muni de pointes de découplage. 

L’unique haut-parleur qui les équipe est un modèle coaxial à deux voies qui reste une des marques de fabrique de ce fabricant. L’abandon de la tradition n’est donc pas totale ! Ce transducteur au rendement élevé gère l’ensemble du spectre sonore avec l’avantage de présenter un point d’émission unique, ce qui est idéal du point de vue acoustique.

Les DC 10 A pourront constituer le dernier maillon d’un très gros système tant leurs performances sont élevées et complètes, que ce soit en matière de dynamique, d’extension de la bande passante ou de transparence dans tous les registres. Les Tannoy Definition ne mettront pas l’amplificateur à genoux puisque que leur rendement avantageux de 93 dB ne réclame guère qu’une bonne trentaine de watts pour s’exprimer. Elles nécessitent en revanche un rodage conséquent (sans doute plus long que pour d’autres modèles d’enceintes). Il est très difficile de faire bouger la membrane de la voie grave dans les premières heures ! Mais quand ça vient, ça décoiffe… Une fois ce rodage effectué et la bonne association de câble trouvée, les Tannoy reproduisent avec facilité et beaucoup de transparence un spectre très étendu de l’extrême grave à l’extrême aigu. 

Ecouté à niveau réaliste, le trio de super-contrebassistes Ray Brown, John Clayton et Christian Mc Bride laisse pantois, sans manifester de rondeur excessive : au contraire, la fermeté instrumentale est exemplaire. La scène sonore reconstituée par ces deux monolithes cyclopéens de 43 kg pièce est à la fois précise, profonde et, pourrait-on dire, holographique. Franck Sinatra respire comme rarement il l’a fait… sa présence est manifeste. Ce mixage typé variété (avec le grand orchestre dans le fond) est magnifiquement mis en valeur, les différents plans instrumentaux se détachant bien les uns les autres. C’est une preuve supplémentaire de ce que l’on peut extraire comme information à partir d’un simple CD (ou de son image dématérialisée). 



Imposantes, les Tannoy Definition DC 10 A le sont ! 
Mais elles sont un peu moins trapues qu'il n'y paraît sur cette image, 
dont les bords sont déformés par l'objectif grand angle...

Évidemment, le convertisseur du lecteur Accuphase DP 550 et l’amplificateur intégré Mac Intosh MA 7900 y sont bien sûr pour quelque chose. A ce propos, notons la grande tenue du Mac Intosh, à la restitution bien charnue mais jamais traînante ni caricaturalement chaleureuse. Ces électroniques n’ont gardé de vintage que la face avant et les vu-mètres. Mais la technologie, les options disponibles (entrée phono et DAC), et au final les résultats d’écoute sont de très haut niveau, et tout à fait au goût du jour.


Conclusion :

Les enceintes Tannoy Definition DC 10 A sont faites pour les amateurs de son consistant mais précis. Les matériaux plutôt traditionnels utilisés (membrane en papier pour la voie grave, aluminium pour l'aiguë) n’édulcorent pas le message, ne le rende pas plus joli que nature. Il se dégage au contraire de ces imposantes colonnes une vivacité et une matière qui rapproche l’auditeur de l’événement musical live, avec parfois ses imperfections ou ses duretés. On imagine qu’un mixage mal équilibré sera sans doute moins toléré sur un système de ce type, très rapide et "mordant". À l’inverse, les enregistrements riches en informations bien mises en perspective prendront un relief tout à fait exceptionnel. Il s’agit d’une enceinte de prix élevé mais pas exubérant ; la restitution est, elle, spectaculaire.


Tannoy Definition DC 10 A

Enceinte acoustique 2 voies
Fréquence de coupure 1100 Hz
Réponse en fréquence : 28 Hz - 22 kHz
Rendement : 93 dB
Dimensions : 1135 x 345 x 438 mm
Prix indicatif : 14 900 € la paire.



jeudi 3 avril 2014

Barre de son Focal Dimension


Une barre de son de haut niveau, 
mais sans le coup de barre !



Origine : France - Prix : de 999 € à 1499 € selon options



Après ses incursions réussies dans laudio professionel et plus récemment dans le casque d’écoute, Focal dévoilait hier sa toute dernière version dun nouveau produit : la barre de son Dimension. Focal peut à juste titre senorgueillir de sa position de leader sur le marché français de lenceinte acoustique, et d’être également un fabricant renommé au plan mondial. Les réalisations très haut de gamme de la ligne Utopia sont le fer de lance de cette entreprise, qui semble avoir tout compris des nouvelles technologies (comme des anciennes) et de la manière de les mettre en valeur (les haut-parleurs en sandwich fibre de verre / lin de la récente série Aria, par exemple).

Focal se tient très à l’écoute du marché, et souhaite consolider sa position en commercialisant des produits en phase avec les tendances. Or la barre de son est désormais un produit hifi à part entière ; en termes de ventes mondiales, elle détrône le système denceintes traditionnel depuis 2012. Focal ne pouvait rester muet : voici donc la barre de son Dimension et ses accessoires, conçus dans le but de rivaliser - voire de surpasser - les meilleures réalisations du marché.

Gérard Chrétien, Directeur Général de Focal, fait sienne la devise de Steve Jobs : « saisir les innovations non à leur émergence, mais à leur printemps». En ce début avril 2014, le printemps est bien là, et ce nouveau produit incorpore des développements technologiques spécifiques dont Focal garantit la pérennité :


  •      un haut-parleur large-bande ultra plat (brevet acquis), de 10 cm de diamètre, peu directif même dans les hautes fréquences, et dont la réponse est très linéaire entre 100 Hz et 18 kHz. La barre de son - dont la section trapézoïdale ne mesure que 10,5 cm (hauteur) par 6,5 cm (profondeur) - incorpore cinq de ces transducteurs. Elle peut fonctionner de manière autonome avec une réponse en fréquence mesurée descendant jusqu’à 50 Hz, car les deux paires de haut-parleurs latéraux reproduisent également le canal LFE.
  •     pour davantage dimpact dans le grave, un module sub-woofer est également disponible. Il comporte deux haut-parleurs elliptiques chargés en bass-reflex (modèle spécialement conçu par Focal). Haut-parleurs et évents travaillent en phase et débouchent sur les côtés du module, ce qui permet lannulation quasi complète des vibrations. Ce module est constitué dun châssis monobloc en alu recouvert dune plaque de verre teinté noir et est étudié pour recevoir un téléviseur de grande dimension. Rigidité et finition luxueuse sont au rendez-vous.


  •      un traitement du signal poussé, basé sur un processeur de signal Sharc de 4e génération, permet notamment de gérer les effets de spatialisation et de tirer le meilleur parti des sources multicanal (Dolby et DTS),
  •       six unités damplification Classe D (puissance crête de 75 W chacune) dont la compacité ne souffre daucun compromis (un canal est prévu pour le Sub, qui est passif) équipent la barre Dimension,
  •          enfin, la connectivité et lergonomie ont été pensées afin doffrir le confort dutilisation maximal (commandes à détection de présence, télécommande universelle, module de connection Blutooth APTX en option...)













Ecoute spectaculaire et musicale

Le résultat d’écoute de lensemble Dimension + Sub est très spectaculaire par rapport au volume total des éléments. En écoute purement musicale, on note immédiatement une excellente tenue et articulation du grave, avec également beaucoup de matière sur les voix (Youn Sun Nah, Lou Reed). Laigu est reproduit avec beaucoup de précision et ne donne pas limpression de couper trop rapidement. Au contraire de certains produits très en vogue, le relief stéréophonique est bien présent, limage reproduite dépassant facilement les limites physiques du système (la barre de son ne fait jamais que 115 cm de large). L’écoute de fichiers compréssés (extraits de clips dorigine You Tube) révèle les limitations des sources, mais sans pour autant donner limpression dune écoute anémiée.

Sur des extraits de films (Le monde de Pi) ou de concerts (Phil Collins live at Roseland Ballroom) en Blu-ray, le système manifeste une ampleur tout à fait spectaculaire : grande dynamique et fondations sont bien présentes. On taquine lextrême grave sans difficulté et lenveloppement sonore multicanal produit son effet. Sur ce dernier point, notons que la salle dans laquelle se déroulait la démonstration, plutôt claire car très dépouillée, ne présentait pas les conditions optimales dinstallation. Mais en loccurrence, on pouvait juger de la capacité du système à sonoriser une pièce de bonnes dimensions, ainsi que lexcellente intelligibilité du système dans une acoustique un peu délicate. A noter que le système peut sadapter très aisément à la nature de la pièce et à la distance d’écoute, par commutation de switches situé sur le panneau de connexion de lunité Dimension.

Ce très beau produit devrait être disponible en magasin courant avril, au prix conseillé de 999 (barre Dimension seule) et 399 pour le Sub. Des bundles seront évidemment proposés, à 1299 pour lensemble Dimension + Sub ou 1499 pour lensemble Dimension + Sub Air, un modèle de caisson sans fil de forme cubique plus traditionnelle

A ce niveau de prix, on est assuré d'acquérir un produit de haut niveau tant sur le plan des finitions que de la performance. Et dont lintégrabilité est sans rivale

jeudi 19 décembre 2013

Cellule Transfiguration Proteus

Cellule Transfiguration Proteus




Origine : Japon - Prix : 3110 € - Distribué par : L'Audiodistribution




Un peu de mythologie


Dans la mythologie grecque, Protée (Πρωτεύς) est le dieu de la mer, possédant à la fois le don de prophétie et le pouvoir de se métamorphoser à volonté. Mais selon l’ésotériste Emmanuel d’Hooghvorst : «Il représente à la fois le feu magique dompté et le magicien lui-même». Toutes ces qualités lui confèrent donc une position très enviable parmi les innombrables dieux que l’homme a invoqué au cours de l’histoire, tout panthéons confondus. Nous le verrons, le choix de cette divinité par Seiji Yoshioka - fondateur et dirigeant de Immutable Music - pour baptiser sa dernière création haut de gamme n’est probablement pas tout à fait dû au hasard. Mais la cellule Proteus est-elle tellement révélatrice de ce qui est gravée sur un disque ? Est-elle véritablement capable d’un total mimétisme instrumental ? On pourrait estimer que ce nom – tout comme celui de la marque d’ailleurs - est un peu présomptueux. Qu’en est-il vraiment ?


Les principes fondateurs

La marque Transfiguration a fêté ses 20 ans en 2012. Mais, face à la myriade actuelle de produits dévolus à la lecture analogique, on ne peut pas accuser le fabricant japonais d’avoir inondé le monde d’une noria de modèles. Depuis la toute première référence AF-1, introduite en 1992, une dizaine de modèles au plus ont été conçus. Mais déjà, à l’époque, un certain Ken Kessler posait sans ambages une question rien moins que fondamentale : « S’agit-il tout simplement de la meilleure cellule au monde ? ».

Quoiqu’entretenue avec discrétion, la réputation de Transfiguration n’a pas failli. Les connaisseurs de la marque apprécient ce qu’il y a d’immuable dans la philosophie de son concepteur : s’approcher toujours plus près de ce que la musique a d’humain, de la pure et délicate émotion dont elle est porteuse (exception faite peut-être de certains courants musicaux extrêmes qui n’ont rien de pur ni de délicat…). Et, pour ainsi dire quel que soit le modèle, le constructeur a su maintenir au fil des années un niveau de fidélité à la musique, de performances subjectives toujours exceptionnel, en restant fidèle à quelques principes de conception finalement très sains, et qui brillent souvent par leur rassurante évidence. Ce qui ne signifie pas forcément que leur mise en œuvre soit aisée ! 

Que M. Yoshioka soit amateur d’opéra – et, selon la légende, grand collectionneur d’enregistrements anciens – n’est sans doute pas étranger à la chose. Mais on aurait bien tort de réduire les qualités des cellules Transfiguration à leur aptitude à (re)produire de jolies voix : en général, il faut admettre que leurs qualités s’étendent à bien d’autres compartiments de jeu, si tant est qu’il soit possible de compartimenter quoi que ce soit à l’écoute d’une cellule Transfiguration - et de la Proteus en particulier !

Quels sont ces principes ? Rappel technique rapide en deux points majeurs, qui constituent en quelque sorte la marque de fabrique des modèles Transfiguration : la suspension « push-pull » et la géométrie des aimants tubulaires en regard desquels les bobines mobiles sont disposées. Ces deux conceptions sont très simplement illustrées dans les schémas ci-dessous.

Tout d’abord, en vue de coupe longitudinale, on observe que l’extrémité du levier porte-pointe (cantilever) qui porte les bobines (coils) est retenue par un minuscule fil (suspension string) à l’armature de la cellule. Les bobines, constituées ici d'un noyau de section carrée en mumétal et de minuscules enroulements en argent très pur, s’appuient donc contre les disques amortisseurs (dampers) grâce à la tension de ce fil. On conçoit que ce système mécanique dit « push-pull » (le fil tire – la suspension pousse), s’il est correctement ajusté, soit garant de la parfaite intégrité mécanique de l’équipage mobile - notamment sur le long terme, davantage en tous cas que des dispositions traditionnelles où les bobines mobiles sont simplement collées à une suspension elle-même collée au corps de la cellule. De plus, le point d’attache du porte-pointe à ce fil constitue un pivot ponctuel fixe, point de référence immuable qui garantit a priori la fidélité de la transduction. On peut également imaginer que cette disposition facilite également le remplacement du diamant. Il «suffit» de desserrer la vis de blocage du fil de maintien, et voilà l’ensemble diamant + levier + bobines proprement désolidarisé du corps de la cellule, sans aucune intervention destructive.




Deuxième trouvaille majeure de Transfiguration : positionner les bobines mobiles dans une zone de champ magnétique la plus uniforme possible. Il est vrai que la lecture du sillon d’un disque par le diamant et la conduction de ce mouvement par le levier est un phénomène en lui-même sujet à de nombreux aléas : variations rapides de la force d’appui (resp. de la force d’antiskating) en fonction des creux et les bosses (resp. des courbures gauche et droite) de la modulation, pertes d’adhérence par rapport aux flancs du sillon sur les passages de grand amplitude, déformation du levier dues à sa propre compliance, génération de charges d’électricité statique suite au frottements, etc… 

Tous ces phénomènes génèrent de sérieuses non-linéarités et constituent des sources de bruit nuisibles, qui ne peuvent qu’être communiquées aux bobines. Si de surcroît ces dernières ne baignent pas dans un champ magnétique parfaitement uniforme et constant, on imagine les distorsions supplémentaires qui peuvent en résulter lors de la conversion du mouvement en courant. Une des obsessions constante de M. Yoshioka est l’obtention de la plus grande constance de ce champ. Pour ce faire, il s’est assez rapidement détourné des schémas traditionnels, qui emploient un seul aimant et tentent d’étendre son champ magnétique autour des bobines par l’ajout de pièces polaires (petits blocs de fer doux, non magnétique à l’origine). Résultat : un champ magnétique non uniforme, présentant des variations d’intensité et de direction d’autant plus grandes que l’on s’éloigne du centre géométrique du système. Au lieu de cela, Transfiguration a travaillé au façonnage d’aimants annulaires (magnet A & B), entre lesquels sont disposées les bobines conductrices.




De cette technologie, M. Yoshioka ne révèle malheureusement pas grand-chose. On sait néanmoins de que l’aimant néodyme, matériau magnétique le plus puissant que l’on puisse trouver sur terre (un alliage cristallin de fer, bore et néodyme de formule Nd2Fe14B), est intrinsèquement très friable et donc difficilement usinable. Toujours est-il que, sur le papier, la configuration retenue ici optimise à la fois le rendement du système magnétique et la linéarité de son comportement. Et les résultats d’écoute semblent bien confirmer le phénomène.


L’écoute

N’y allons pas par quatre chemins. Je tente une mise en parallèle qui peut sembler curieuse : tout comme de rares maillons audio de très haut de gamme (je pense en particulier aux enceintes américaines Magico ou japonaises TAD, ou encore aux meilleures électroniques Nagra), l’impression première qui se dégage de l’écoute de la cellule Proteus est celle d’une totale transparence, d’une absence totale de caractère propre et surtout, de distorsion. 

On peut même rester surpris tant les premières écoutes bannissent tout côté spectaculaire pour favoriser le naturel de la reproduction instrumentale. Les violons ne sont pas surdéfinis, les clavecins ne ferraillent jamais. Les voix aiguës ne chatouillent pas les tympans : elles charment l’auditeur. Amateurs de hifi clinquante s’abstenir ! Ici, les artefacts parfois – et faussement - associés à ce que doit être une bonne restitution hifi sont curieusement absents. Du coup, la perception, la compréhension des œuvres et des gestes instrumentaux est immédiate, sans intermédiaire ni travestissement. L’image du voile que l’on enlève et qui révèle la vraie nature des choses, si éculée qu’elle soit, prend ici tout son sens.

Car, comme avec les enceintes citées ci dessus, tout caractère électromécanique est évacué de la transcription. Aussi satisfaisante pour l'esprit soit elle, ce n'est plus l'impression de fouiller la modulation inscrite sur un disque qui prime à l'écoute de la Proteus. Mais bien la disparition quasi complète du support et du système de lecture - tout au moins pour les disques bien gravés – au seul profit de la musique. Par comparaison, une telle écoute montre à quelle point beaucoup de cellules, même parmi les plus performantes du marché, collectionnent les mentions d’excellence sur tel et tel critère (fermeté du grave, effet de relief sonore, pouvoir d’analyse, rapidité des attaques), mais sans atteindre cette confondante plénitude et ce côté infiniment naturel.

Bien soutenue par un bras unipivot Graham 2.2 (qui n’est d'ailleurs ni le meilleur ni le plus cher du monde), lui même confortablement assis sur une imposante platine Kuzma Stabi Ref, la Proteus affiche une lisibilité sans faille y compris des passages les plus violement modulés (sur disques test et... musicaux). Il n’y a d’ailleurs pas la moindre augmentation apparente de distorsion à mesure que la profondeur de gravure augmente, au moins jusqu’aux très bonnes valeurs de 80 um en latéral et 100 um en vertical, une des preuves tangibles du bien fondé de l’approche technique retenue. Pour autant que les disques lus soient raisonnablement propres, les bruits de surface sont relégués à un niveau infinitésimal, souvent à peine perceptible même à niveau d’écoute soutenu. 

Avec un préampli à grand gain très silencieux tel que l’Audia Flight Phono, on illusionne facilement l’auditoire quant à savoir si l’on écoute un CD ou un vinyle. Je veux parler ici du critère de silence de fonctionnement et de la dynamique ressentie, terrains sur lesquels la lecture numérique est, sur le papier au moins, plus performante que l’analogique. Ici, tout débat sur la prétendue supériorité du numérique est évacué en vitesse ! 

Et sur le plan de la matière instrumentale, du legato, de la souplesse de restitution, aucun doute n’est permis, nous sommes à 100 % dans le monde de l'analogique. Il sera bien difficile de prendre cette cellule en défaut, que ce soit avec un enregistrement live de Peter Gabriel, sur les passages d’opéras wagnériens les plus modulés, ou encore à l’écoute de belle gravures historiques de jazz. Cette universalité, qui s’accompagne à la fois d’une impression de matière incroyablement réaliste et d'une si subtile transparence, ne peut être que le fait d’une des meilleures cellules qui soit !



Caractéristiques constructeur :

Niveau de sortie : 0,2 mV @ 3,54 cm/s et 1 kHz
Résistance : 1 Ohm
Courbe de réponse : 10 Hz - 40 kHz @ + 2 dB
Ecart entre canaux : < 0,5 dB @ 1 kHz
Séparation des canaux : > 30 dB
Compliance : 13 x 10-6 cm/dyne
Poids : 7,8 g

Précaution d'emploi : le montage de cette cellule est sans souci particulier, mais le levier porte-pointe est relativement plus court et fin que celui rencontré sur la plupart des cellules à bobines mobiles, ce qui justifie une attention toute particulière lors de sa manipulation.