lundi 4 février 2008

LINN Klimax DS


Origine : Ecosse - Prix : 15 000 € -
Distribué en France par Linn France


Un OVNI atterrit sur la planète terre !

Objet d'un genre plutôt nouveau, le Klimax DS est un décodeur de fichiers numériques musicaux compatible avec une pleïade de formats : Studio Master (fichiers de haute résolution en 24 bits - 96 ou 192 kHz), FLAC (le format CD standard 16 bits - 44,1 kHz en compression sans perte) , WAV (le même, non compressé), MP3 (à différents taux de compression) et Radio Internet. Il est destiné à être inséré au sein d'une installation comprenant en outre un routeur ethernet, une ou plusieurs unités de stockage (disques durs stand-alone) et un PC de commande.

Une rencontre du 3ème type

La découverte auditive du Linn Klimax DS en comparaison instantanée avec le fameux lecteur CD12 du même constructeur, s’imposait tout naturellement !

C’est avec le célèbre et incontournable disque de Hadouk Trio Baldamore que j’ai commencé l’arbitrage de ce duel. «Hijaz» est le premier extrait écouté dans le cadre de ce match au sommet. Après l’écoute attentive effectuée sur un gros système Linn multiamplifié avec pour source le lecteur Linn CD12, on passe sans plus tarder au Klimax DS.

Pour moi, le gain est immédiat en termes d’ambiance de salle. C’est ensuite la ligne de basse qui paraît plus alerte, plus déliée. Mais je dois avouer que cette toute première comparaison, bien que révélatrice, ne me paraît pas d’un contraste renversant. «Très significatif» serait plus adapté. Il faut dire que le disque est une très récente production, et que son mastering et son pressage ont été réalisés avec beaucoup de soin. La surprise viendra quand même, dans le cadre du retour arrière, c'est-à-dire en revenant du Klimax DS vers le CD12. Il est vrai que dans ce sens, les différences entre appareils de niveaux sensiblement différents sont souvent révélées de manière cruelle. Et là, c’est bien le cas ! Entre autres choses, la dynamique globale du morceau, son «groove», viennent de prendre … une bonne claque … c’est à ce point !

Inutile de dire que la longue soirée que j’ai passé avec cette merveilleuse source a vu se succéder de nombreux morceaux, presque tous écoutés entièrement (c’est un signe !). Sur «O Solitude», de l’exceptionnel Music for a while (Henry Purcell – par Alfred Deller) le passage du CD12 au Klimax DS s’accompagne immédiatement d’une remontée du souffle ! Ah bon… mauvaise nouvelle ? Du tout ! Car il s’agit bien là du souffle naturel, analogique, contenu dans l’enregistrement original, et donc bien présent sur le CD, mais quelque peu escamoté par le CD12.

Première conclusion de "psycho-acoustique" sommaire et phénomène bien connu des amateurs : l’oreille humaine (suivie de tout le système cérébral de l’audition) se saisit de ce qu’on lui donne, et lorsqu’il s’agit du meilleur, s’en satisfait immédiatement, presque avec désinvolture. C’est ainsi que placé face à un tel système depuis seulement quelques minutes, l’auditeur même exigeant finit par tout trouver très normal … jusqu’au moment où l’on repasse de l’exceptionnel au seulement excellent, qui paraît du coup presque plat !

Évidemment, ce souffle n’est pas la musique, mais ce qui est valable pour cette information l’est heureusement pour d’autres. Avec cette remontée du souffle, c’est donc aussi un bon nombre de détails qui apparaissent, à commencer par ceux liés à l’acoustique et à l’ambiance de la salle, bien plus évidentes à percevoir avec le Klimax DS. C’est également l’extinction des notes qui est repoussée beaucoup plus loin dans le temps et l’espace. Il en résulte le caractère accru de souplesse et de fluidité du message. La modulation de la voix d’Alfred Deller est d’une plus grande évidence, et comme éclairée d’une nouvelle lumière satinée. Toute coloration électronique semble absente de cette voix. Il devient même possible de discerner certains points de montage dans quelques morceaux de ce disque.

Restons encore un peu avec Purcell, car le temps semble s'écouler avec langueur. Effectivement, certains rythmes semblent plus lents à l’écoute du Klimax DS. Il se passe ici ce que l’on constate souvent lors de la comparaison instantanée entre deux sources de qualité sensiblement différente. Sur des morceaux calmes, le tempo paraît de prime abord avoir ralenti avec la meilleure source. Tout simplement parce que la tenue des notes est aussi bien meilleure ! Bien entendu, personne n’a effectivement ralenti le rythme du morceau, mais avec le Klimax DS les traits d’archets durent sensiblement plus longtemps. Comme si l’interprète effectuait un geste plus accompli, plus harmonieux, plus musical en lui même. La réverbération prolongée des notes est également responsable de cette perception. L’accompagnement clavecin et basse de viole atteint avec le Klimax une qualité de fluidité, de respiration et de brillance absolument exceptionnelles. Songeons donc qu’une source telle que le CD 12 paraîtrait même terne, comprimée et contrainte par comparaison ! C’est un comble !

Avec le DS, l’impression d’être plongé au cœur de l’événement est magistrale : en passant à Ella & Duke at the Côte d’Azur (!), enregistré en Juillet 1966 à Juan les Pins. Tout est sur ce disque désarmant de naturel. Pourtant, tout excellent qu’il soit, cet enregistrement accuse son âge, par une certaine sécheresse pourrait-on dire, et par l’apparente fausseté des timbres de certains instruments, dont le piano.

Mais sur notre système du jour, c’est bien le mot «naturel» qui vient de suite à l’esprit. La sensation d’y être est déjà grande avec le CD12. Elle est encore améliorée par passage au Klimax DS. La scène sonore gagne dans toutes les dimensions, et particulièrement en profondeur. Les attaques au piano sont fulgurantes, et le timbre de celui-ci s’est soudain enrichi. L’instrument est bien consistant, et perd pour ainsi dire la teinte un peu caricaturale de «piano saloon» qu’il peut avoir sur des systèmes de moindre qualité. Pourtant, il s’agit toujours du même instrument, et probablement pas du meilleur Steinway qui puisse se trouver ! Mais l’attention de l’auditeur est résolument attirée par le jeu même, plus que par l’apparence des choses. Autre impression troublante, les musiciens jouent beaucoup plus ensemble et sont plus gais, plus volubiles : dynamique et expressivité sont complètement libérées.



L'interface informatique Linn GUI

Pour autant, je n’irais pas jusqu’à dire que la restitution est devenue
totalement analogique. Mais entendons-nous bien : le niveau de qualité sonore et musicale atteint ici est superlatif, car pratiquement dénuée des artefacts habituels de restitution, qu’ils soient analogiques (exception faite de l’éventuel souffle) ou numériques. Nous atteignons donc clairement ici un sommet de bonheur auditif. Dans l’absolu, je pense néanmoins qu’une source analogique de haut niveau est capable d’aller encore plus loin dans les effets de présence pure, de révélation du grain instrumental … mais c’est vraiment pour couper le décibel en quatre, je vous l’accorde ! Cette signature numérique extrêmement ténue du Klimax DS, si elle est encore perceptible, va d’ailleurs dans le sens non pas d’une quelconque agressivité ou froideur, mais d’une impression de très subtil polissage des sons, rendant peut être les choses un tout petit peu plus scintillantes que nature. Mais c'est tellement bon !

Conclusion

Le Klimax DS parvient sans peine à remplir les deux fonctions essentielles que l’on attend d’un très beau maillon audio : outre une reproduction sonore en très haute-fidélité, il offre à l’auditeur l’assurance d’un plaisir et d’une curiosité d’écoute sans cesse renouvelés. Car après tout, sommes-nous toujours sûrs de connaître le timbre réel des instruments originaux d’un enregistrement ? Certes non, et même … presque jamais ! Seuls les ingénieurs du son et les musiciens eux-mêmes le connaissent, et encore, ils le perçoivent d’une manière toute différente de celle du public. En revanche, la fascination pour la redécouverte d’un disque bien connu, écouté sur un système d’une transparence et d’une musicalité supérieure, est un phénomène bien réel et appréciable, connu de tous les audiophiles.


Il est tout à fait ahurissant de constater ce que le fait de s’abstraire des problématiques de lecture temps réel du CD peut apporter en termes de surcroît de musicalité. Il est vrai aussi que les étages de conversion N/A du Klimax DS sont loin d’être bâclés. Cela étant, ceux du CD 12 ne l’étaient pas non plus ! Il faut donc bien accepter ce fait : même avec des mécaniques de haut vol, la lecture même des CD semble encore être le goulot d’étranglement de la reproduction numérique. Sauf à pouvoir lire et relire le même passage d’un disque jusqu’à rejoindre la certitude absolue d’une copie conforme, ce qui exclut malheureusement toute possibilité d’écoute en temps réel.

Bien que ce ne soit pas l’objet central de cette écoute, j’ajoute que les quelques extraits «haute-résolution» (c'est-à-dire en codage 24 bits/96 kHz) écoutés (et comparés immédiatement à la version 16 bits/44 kHz) n’ont finalement pas révélé le même gap qualitatif que le passage du CD12 au Klimax DS avec des morceaux en résolution standard. Ceci est en soi assez troublant. Car une telle expérience tendrait à prouver que tout «limité» qu’il soit en théorie, le format 16 bits/44 kHz du CD Red Book souffre surtout de sa mise en œuvre mécanique. Mais avec cette superbe machine qu’est le Klimax DS, des comparaisons plus fouillées entre différents formats d’enregistrement devraient bientôt suivre. Elles apporteront sans doute leur lot de nouvelles surprises.

Il reste que, pour tout exceptionnel qu’il soit, le Klimax DS – qui peut par ailleurs se prévaloir d’avoir été l’un des tout premiers serveurs audionumériques de très haut de gamme lancé sur le marché – reste à mon sens handicapé par son prix, et par la nécessité d’une configuration un peu compliquée nécessitant PC, routeur et disque dur externes. Par ailleurs, à la date de cette écoute, l’ergonomie du système reste perfectible et l’on déplore notamment l’absence de visualisation des pochettes des CD reportés et écoutés. Insuffisance que Linn devrait combler dans les mois qui viennent…


La face arrière du Klimax DS