samedi 9 août 2008

Fidelio Records

La fusion réussie entre technique d'enregistrement et contenu musical
À la source, une technique rigoureuse…

Nous avons reçu ces derniers mois une sélection de disques enregistrés et produits par le label canadien Fidelio Records, malheureusement peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique. Ce label éminemment audiophile présente les œuvres d’interprètes talentueux bien que peu connus, dans des répertoires aussi variés que le jazz, la musique de chambre ou symphonique, les chants anciens ou folkloriques. Le label propose également quelques opus fusion-world de la meilleure tenue. La pratique d’enregistrement développée par le fondateur René Laflamme et son équipe, donne des résultats réellement superlatifs, qu’il s’agisse de prestations de concerts ou de sessions spécifiques dans les conditions studio. Et pour ces dernières, les lieux d’enregistrement sont d’ailleurs choisis avec soin et bénéficient en général d’une acoustique riche et naturelle.

Positionnement ultra-rigoureux des micros…

Chez Fidelio, la méthode de prise de son respecte des principes sains et éprouvés, et ne fait appel qu’à du matériel de très haut de gamme. En fonction des lieux d’enregistrement, les configurations de micros, telles que Blumlein, couple M-S et même A/B, sont utilisées pour des formations resserrées de type ensemble de jazz par exemple. Pour les prises de formations plus importantes, les ingénieurs utilisent un couple A/B, ou encore trois microphones disposés à la manière Decca Tree, ce qui permet une réduction notable de l’effet de filtrage en peigne dans le cas où les deux micros principaux seraient omnidirectionnels.
En matière de microphones, Fidelio n’utilise que des références incontournables bien connues des spécialistes : Schoeps M222, Brauner VM1, modèles Neumann vintage, ainsi qu’un modèle lui aussi à tube, développé par la marque et disponible à son catalogue (référence RL1). Le plus souvent, les préamplis micro sont souvent à tubes, d’origine Fred Forsell, Nagra, Millenia, mais aussi Ayre Acoustics et Sonosax. Suivent des convertisseurs analogiques-numériques de marque DCS, Sonosax ou Meitner. Enfin, le stockage est effectué sur PC via Pyramix ou encore sur enregistreur autonome Sonosax. Certains enregistrements font appel à des machines analogiques telles que le Nagra IV-S, bien connus des amateurs de très belles captations « à l’ancienne ».

… et des appareils...

Notons également le soin obsessionnel appliqué à l’alimentation des appareils lors des sessions – réalisé par batteries ou après filtrage et câblage secteur Shunyata – et à leur installation sur des supports mécaniques haut de gamme. Le câblage est généralement effectué en Siltech.

Pour le monitoring d’enregistrement, on retrouve le plus souvent en régie les marques Nagra et Ayre pour l’amplification, Verity Audio et Sonus Faber pour les transducteurs.














René Laflamme en régie

…au service de la plus pure musicalité

D’une manière générale, les enregistrements Fidelio que nous avons pu écouter bénéficient tous d’une exceptionnelle transparence, d’une dynamique naturelle importante et d’une mise en espace ultra-précise. Le caractère physique des instruments est magistralement retranscrit, avec une absence manifeste de limitation aux extrémités du spectre et sans mise en avant particulière de toniques. L’auditeur jouit donc d’un spectacle auditif total et d’une immersion poussée dans l’ambiance des lieux d’enregistrements. Cette transparence, déjà excellente sur des solistes ou des petits ensembles, prend même une dimension troublante lorsqu’il s’agit de formations orchestrales de plus grande ampleur. L’équilibre entre l’ampleur globale de la formation et la définition de chaque pupitre est en effet assez inhabituel. Pour s’en convaincre, l’amateur pourra se procurer les CD samplers du label avant de s’attaquer aux enregistrements originaux. On ne peut donc que souhaiter le plus grand succès à ce label y compris, bien sûr, en dehors de ses frontières, ces dernières étant aujourd’hui pratiquement abolies grâce à… Internet.

Écoute de quelques disques Fidelio :

Frédéric Alarie Trio – Live à Vienne

Voici une galette que l’on conseillera sans réserve à tous les amateurs de jazz bien vivant ! Enregistrée lors du passage du trio à l’ORF Radiokulturhaus de Vienne en 1998, elle constitue un florilège de titres formidables, le mot n’est pas trop fort, passant de standards tels que « So What » et « Juju » de Miles Davis, à des compositions originales, et même à des reprises de titres du groupe Police. La virtuosité des interprètes, notamment celle du bassiste et leader Frédéric Alarie, est absolument bluffante !
L’exécution très dynamique et rythmée des titres en fait de purs moments de bonheur. L’exercice parfois périlleux de la reprise est manié ici avec un réjouissant savoir-faire, en proposant une lecture à la fois novatrice et de bon goût des morceaux en question. Il s’agit d’un jazz charnel et tendu, aux développements mélodiques et aux improvisations parfaitement intégrées à l’esprit des différents titres. En dépit des conditions « live » souvent délicates à manier, si l'on vise la perfection, la prise de son est un véritable régal d’équilibre et de transparence, jusque dans la captation des applaudissements. La contrebasse est étonnante de présence, avec une sonorité toujours très naturelle, y compris dans ses notes les plus graves qui ne traînent absolument pas. Le saxophone profite d’une prise rapprochée qui en magnifie le souffle et la présence. Un disque qui donne véritablement l’impression « d’y être » et qui surprendra les audiophiles même les plus blasés par son étonnant réalisme.


Frédéric Alarie – Moon Bass

Enregistré en collaboration avec la firme canadienne Sim Audio désormais bien connue des audiophiles français, Moon Bass est une captivante ode à la contrebasse et aux chœurs. Il est néanmoins difficile de classer ce disque dans un répertoire précis, car les morceaux adoptent tour à tour un style new-age, jazz ou musique contemporaine, sans que l’unité de l’album en soit pour le moins compromise. Du point de vue technique, il s’agit sans conteste d’un disque « de démonstration » de la plus haute qualité, mais il serait dommage de passer à côté du contenu musical très original tissé par Frédéric Alarie. Pour fixer les idées, disons que certaines échappées du contrebassiste canadien ne sont pas sans rappeler celles du regretté Jean-François Jenny-Clark sur l’exceptionnel et déjà ancien Unison (1987, CMP Records).Devrait impérativement figurer dans la discothèque de tout amateur d’étrangetés musicales (de bon goût !) et de beaux enregistrements.


Marc Vallée TrioHamadryade

Cette formation regroupe trois instrumentistes de grand talent : Marc Vallée, à la guitare acoustique, David Hugues, aux sticks et didgeridoo, Christian Paré, aux tablas et percussions. L’album Hamadryade est une agréable suite de beaux morceaux instrumentaux aux accents world-jazz, dans laquelle ont reconnaîtra aisément des influences espagnoles, africaines, indiennes – et même celle de… U2 ! La prise de son en champ proche utilise deux micros à tubes mis au point par Fidelio ainsi qu’un modèle Neumann U-47. Elle procure consistance et richesse harmonique à toute la palette d’instruments déployée ici, en évitant avec élégance l’écueil de la surdéfinition et du grossissement artificiel. Il en résulte un son très défini, clair et ouvert, à la fois physique et merveilleusement fluide, bien campé dans un espace très ouvert. La focalisation des instrumentistes est exceptionnelle de précision. On citera notamment le morceau « Harmattan », très inspiré, « Marcheurs d’Espoir », curieusement familier en dépit de son instrumentation originale, et l’intelligente reprise du planétaire « I still haven’t found what I’m looking for ». Un opus 100 % acoustique et planant, pure mousseline de soie pour les oreilles. Une parenté certaine avec le répertoire du guitariste américain Leo Kottke, dont les disques sont d’ailleurs également réputés pour leur qualité technique.

Duo Puchhammer-DesjardinGerman Romantic Works (for Viola and Piano)
Œuvres de Robert Schumann, Friedrich Kiel, Karl-Ernst Naumann, Robert Fuchs Interprètes : Jutta Puchhammer-Sédillot, alto et Élise Desjardins, piano.


Ce généreux assemblage d’œuvres (près de 72 minutes de musique au total) présente l’avantage de donner à entendre une formation instrumentale qui sort quelque peu des sentiers battus, et, hormis Schumann, de présenter des compositeurs largement inconnus du grand public, mais dont les œuvres n’en sont pas moins dignes d’intérêt. Sans peut-être faire preuve d’une absolue virtuosité, l’exécution de ces œuvres brille par son côté vivant et incarné, faisant se succéder tour à tour des ambiances très animées (les « Fantaisies » de R. Schuman, d’ailleurs originellement composées pour duo de clarinette et piano) ou plus solennelles (les sonates de F. Kiel et R. Fuchs). Le côté humain de ces interprétations est évidemment souligné par la transparence et la densité de la prise de son, qui placent l’alto sensiblement sur le devant de la scène, dans l’espace, mais aussi en présence pure, à tel point que la ressemblance avec les timbres du violoncelle est parfois troublante. Tous les mouvements de l’altiste, ainsi que sa respiration, sont aisément perceptibles. La restitution des cordes frottées manifeste à la fois verdeur et plénitude, comme il sied naturellement à un tel instrument. Sur ce disque aussi, le très riche contenu spectral assure une reproduction particulièrement consistante des deux instruments, malgré la légère position de retrait du piano. Les informations techniques de la pochette insistent d’ailleurs à juste titre sur la philosophie de grande pureté et d’intégrité des différentes phases de prise de son et d’enregistrement.