mardi 26 janvier 2010

David Greilsammer aux Bouffes du Nord




La relativité
du temps musical

Dire que David Greilsammer impose une singulière relecture des œuvres même les plus fréquentées du répertoire est un doux euphémisme. Et cela explique en grande partie la popularité de ce jeune pianiste d’une trentaine d’années.

Son ouverture lui permet d’aborder d'une égale aisance à peu près tous les répertoires, du proto-baroque à l’ultra-contemporain, avec pourrait-on dire un savant art du décalage. Son concert de lundi dernier 25 janvier aux Bouffes du Nord est bien là pour le prouver. Il est à l’image d’un précédent programme joué au même endroit, celui qui a donné lieu au très beau disque Fantaisie-fantasme (paru en 2007 chez Naïve).

Un concert qui commençait par Metamorphosis Three de Philip Glass, que David Greilsammer abordait d’un pianissimo hypnotisant, avec, déjà, un parti pris de dilation du temps tout à fait étonnant compte tenu du sujet. Le ton était donné, et l’enchaînement direct avec la Gavotte et six doubles de Rameau plutôt bien vu. Il en donnait une version au touché feutré, aux notes plutôt rondes, mais traversée par moment de pulsions presque jazzy.

Globalement, Greilsammer avait groupé les œuvres par deux dans son programme en faisant se croiser compositeurs de l’âge baroque et auteurs contemporains. C’est ainsi qu’il enchaînait Abstra, une pièce plutôt heurtée pour piano et bande de Garrett Byrnes, avec une courte et sèche Toccata en sol mineur de Frescobaldi.

Il fallait de l’audace – certains diront de l’insolence - pour faire cohabiter Nico Muhly et son Skip Town, incroyable contrepoint pour piano et bande de piano préparé, avec WAM (Wolfgang Amadeus Mozart) et sa Sonate en si bémol majeur K.333, dans laquelle le pianiste redevient presque sage… Presque, car nous sommes bien loin d'une lecture académique et figée. Greilsammer force les contrastes, joue la nuance, accélère et ralentit, dissocie main gauche et main droite, au prix d’une ou deux figures à l’équilibre périlleux.

Après un détour par Monteverdi, WAM laissera la place à Whaam !, de Matan Porat, inspirée à l’auteur, lui-même pianiste, par Roy Lichtenstein. Une pièce haute en couleur, utilisant (presque) tous les ressorts du piano moderne : mains dans l’instrument, clusters plaqués avec les coudes, contrastes extrêmes entre le grave et l’aigu.

Pas avare de sont temps, Greilsammer conclura par une autre sonate de son héro Mozart, la célèbre Alla turca en la majeur K. 331, où il retrouvera une certaine rigueur.

Mais la soirée ne s’arrêtera pas tout à fait là, car il y aura rappel. Tout d’abord, un court extrait des Musica Ricercata de Ligeti, puis la 3e Gnossienne de Satie. Où il pourra de nouveau distendre un temps musical tout relatif...



A noter : la récente sortie du couplage des Concertos pour piano n°22 et 24 de Mozart, interprétés par D. Greilsammer (piano, direction) et l'ensemble Suedama