mercredi 7 avril 2010

Qwartz 6 - Marché international des musiques nouvelles




Les musiques nouvelles 
ont fait salon



Vendredi 2 et samedi 3 avril, la sixième édition de Qwartz, marché international des musiques nouvelles, a investi l'ex-Palais de la Bourse, déserté par les traders depuis la fin des années 80, et donc désormais bien calme. Cette manifestation se propose d'être un lieu d'échange entre professionnels du domaine, mais est ouverte au public. L'entrée est libre. 

C'est aussi le lieu de la remise des Qwartz, prix internationaux décernés à des artistes "électroniques" après qu'un jury composé de professionnels et d'amateurs - cette année présidé par Gudrun Gut et Alejandro Jodorowsky - ait procédé à l'analyse de quelques 4077 oeuvres. La shortlist avant sélection finale est d'ailleurs gravée sur un triple CD qui reprend le visuel élaboré par Enki Bilal (et que l'on doit pouvoir se procurer en ligne). 

Des prix honorifiques sont aussi décernés. Ils couronnent un artiste pour la globalité de son oeuvre ou pour une création spécifique. Cette année, ce sont Laurie Anderson et François Bayle qui ont respectivement reçu un Qwartz d'honneur et un Quartz Pierre Schaeffer.  Quant au Qwartz Max Mathews, il était décerné à Olivier Sens pour son logiciel Usine (voir ci-dessous).

Qwartz est aussi l'occasion de sessions de conférences d'acteurs du domaine, de concerts de musique électronique et de projections de films documentaires. L'acoustique un peu difficile du Palais Brogniart a donc pu réverbérer les voix et compositions de Luc Ferrari et de Pierre Schaeffer, deux figures particulièrement mises à l'honneur pendant cet événement. Pierre Schaeffer, dont on fête cette année le centième anniversaire de la naissance, et que l'on retrouvait, totalement à l'aise et bourré d'humour percutant, pour ne pas dire percussif, dans un savoureux documentaire La leçon de musique, produit en 1979 par l'INA.

Une soixantaine de stands étaient occupés par des labels discographiques, des éditeurs de livres ou de magazines, des organisateurs de festival, des collectifs d'auteurs, des prestataires de "services numériques" aux compositeurs d'aujourd'hui.


Parmi les labels discographiques, tous assez pointus - voire confidentiels, comme on peut l'imaginer - citons l'éditeur canadien empreinte DIGITALes, un des seuls du marché à proposer, depuis 2005, des DVD Audio surround qui permettent de profiter de toute l'ampleur de créations électro-acoustiques récentes. Tel le disque [60]Project, autre hommage collectif à Pierre Schaeffer, réalisé par Mathew Adkins en 2008 avec la complicité d'une soixantaine de compositeurs actuels, élaboré dans son propre studio puis mixé à Paris au Groupe de Recherches Musicales de l'INA.

On signalera également le distributeur (pourvu d'un très riche catalogue d'oeuvres) et label à part entière Experimedia - sound objects, venu délivrer quelques nouvelles références dont l'intriguant, minimal et très texturé album Worried about the past d'Aaron Martin. Superbe artwork que celui des fines pochettes de ce label, mais qui laissent un peu trop facilement s'échapper leur contenu...  

Stand partagé avec Home Normal, label anglo-japonais ayant signé Hiding nature (entre autres raretés), la dernière production d'un certain Jason Corder aka Offthesky - qui signe ici un bel exercice ambient et concret aux ingrédients naturels (vibraphone, guitare électrique) mais puissamment transformés par l'outil informatique.


Quelques revues spécialisées étaient présentes, dont le magazine Trax, qui à l'occasion de Qwartz 6 annonçait le recentrage de sa ligne éditoriale vers davantage d'articles de fond. On trouve ainsi dans les derniers numéro outre les incontournables actus techniques, la présentation d'un seul device, suivie de plusieurs portraits d'artistes de la scène électronique et de quelques reportages "en studio avec" ou "sur la scène". 

Sans oublier les "disques du mois" et l'inévitable agenda, détaillé mais pas fouillis. Et toujours, encarté dans chaque numéro, un CD sampler de morceaux originaux ou remixés, en versions intégrales s'il vous plaît ! A la une du numéro d'avril, le français Wax Tailor recouvert de vinyl fondu, accompagné de son CD monographique, qui, loin de s'enliser, aurait plutôt tendance à décoller...


Musiques & cultures digitales (mcd) est une autre parution, bimestrielle celle-ci, que l'on ne trouve pas en kiosque mais dans des lieux de culture sélectionnés, pour la modique somme de 3 € le numéro. On peut aussi s'abonner. A défaut d'avoir les numéros en main, le site internet de la revue est déjà très touffu.

mcd arbore une mise en page sophistiquée, couchée sur papier épais et agrémentée de photographies très soignées. Au menu : portraits et interviews d'artistes numériques et multimédia, analyse de courants artistiques et technologiques, critique de disques sélective. Un autre style, en apparence plus intello (mais dans le bon sens du terme - oui, il y en a un).
En somme, la grande classe.



mcd publie aussi des numéros hors série très intéressants parce que très bien documentés, tels le Guide des festivals numériques qui paraît au mois de mai, ou encore le récent et superbe Live A/V dédié aux performances audiovisuelles (et c'est bilingue français-anglais !).




Nous le disions plus haut, Qwartz est aussi l'endroit où l'on prime les concepteurs. Une récompense on ne peut plus méritée cette année pour Olivier Sens et son logiciel Usine, que j'ai envie d'appeler, tiens, un méta-séquenceur. Pourquoi méta ? Bon, déjà parce qu'aujourd'hui, si tu n'es pas méta (ou au pire multi), tu n'es presque rien. C'est dur, mais c'est comme ça !

Mais aussi, plus sérieusement, parce la nouvelle version 5 parue il y a peu embarque des fonctionnalités qui font de cet outil très peu coûteux (120 € pour la version pro complète) une des meilleurs plateformes du marché pour la création d'oeuvres audiovisuelles. 


Sur une logique de séquenceur "traditionnel" se greffe le concept de patches configurables qui permettent d'importer et de paramétrer efficacement toutes sortes de plug-in d'effets, de déclencher à peu près n'importe quelle action sur tout type de condition, et de définir une espèce de super table de mixage virtuelle (grid concept), d'un niveau de complexité adapté au projet par l'utilisateur lui-même. Et tout celà reste d'une utilisation très simple dans le contexte du live. Pour couronner le tout, les automatisations que l'on peut définir sont pratiquement illimitées et adressent virtuellement tous les paramètres d'une composition (jusqu'à la trajectoire individuelle de multiples sources sonores sens déployant dans un environnement multicanal).

Car ce logiciel est bien entendu compatible midi et permet donc d'affecter les commandes "self-defined" des patches d'effets à des surfaces de contrôle. Mais, et c'est là la nouveauté majeure de la version 5, cette (fausse) usine (à gaz) gère aujourd'hui le mode multitouch offert par les écrans tactiles. 

Résumons-nous : 
Désormais avec Usine V5, un PC, un écran tactile et quelques surfaces, on fait... à peu près tout ce que l'on veut, avec un degré de contrôle temps réel qui frise la perfection ! Et on peut même faire davantage, puisque ce logiciel traite nativement le surround sur 16 canaux, intègre l'image (video tracker module), et j'en passe... C'est ce que montrait notamment Hervé Biroli pendant l'interprétation live de ses Silent Traces lors du concert du samedi.



Les organisateurs d'événements étaient également de la partie.

On citera notamment le festival de musique contemporaine acanthes/Ircam, organisé par l'ACDA, qui aura lieu du 1er au 16 juillet prochains à Metz, et qui réunira des compositeurs émérites : Beat Furrer, Hanspeter Kyburz et Tristan Murail. 

Manifestation qui est aussi l'occasion de la tenue d'ateliers de composition, d'interprétation et d'informatique musicale, où les compositeurs pourront se former à la suite d'outils logiciels conçus et/ou promus par l'Ircam : Max/MSP, AudioSculpt, Modalys, OpenMusic, dont nous avons longuement parlé en janvier dernier à l'occasion d'un article sur la Semaine du Son.

Avant cela, l'autre événement d'importance de la région lorraine sera bien l'ouverture au public du Centre Pompidou-Metz, lors des  "Journées inaugurales" programmées du mercredi 12 au dimanche 16 mai 2010.

Arcadi, promoteur du festival d'arts numériques némo, tenait un stand où défilaient les films primés lors des éditions précédentes.

La douzième édition de némo ouvre donc ses portes le 8 avril et les refermera le 17.

Du 8 au 11 avril, le quartier général en est le Centquatre, qui proposera dans ses différents espaces des installations multimédia, des performance audio/vidéo live, des projection de films d'animation ainsi que des rencontres avec certains artistes.

En parallèle et jusqu'au 17 avril, d'autres lieux accueilleront projections et performances : Le Cube à Issy-les-Moulineaux (co-producteur de l'énénement), la Fonderie de l'image à Bagnolet, le Théâtre de l'Agora d'Evry, la Maison des arts de Créteil, etc. Le programme détaillé est bien entendu consultable à l'adresse www.festivalnemo.fr.

La muse en circuit, centre national de création musicale, est une institution rassemblant de fortes compétences et moyens techniques mis à la disposition des compositeurs d'aujourd'hui.


Outre le festival Extension, qui aura lieu cette année du 12 mai au 5 juin et rassemblera des noms illustres (les compositeurs Aperghis, Lachenmann, Reich, Cendo, Matalon, Jarrel ; les interprètes du Klangforum Wien, de l'ensemble Multilatérale, de l'ensemble Ars Nova, le violoniste Garth Knox,...), la Muse se distingue aussi par ses actions de formation (24 heures du son, dans les collèges), et depuis peu par ses activités d'édition discographique. 


C'est ainsi que nous repartions de Qwartz avec un exemplaire tout frais du premier disque du label A la muse, intitulé Trames #, superbe assemblage d'oeuvres électroacoustiques pour la plupart très récentes de Luis Naon, Samuel Sighicelli, Sébastien Béranger, David Jisse et Sébastien Roux, dont on appréciera vite les ambiances intrigantes et la qualité  de son "organique".


Deux jeunes gens sympathiques et dynamiques ont récemment monté la structure yooook (j'ai recompté, il y a bien quatre o), qui apporte une aide logistique à la création numérique, la gestion des droits d'auteurs, l'édition de supports matériels CD/DVD/vinyl, la mise en oeuvre d'une solution de paiement en ligne visible ou invisible pour l'acheteur...

Tout ce qui peut favoriser la visibilité (et donc la fortune ultérieure !) des créateurs qui restent encore dans l'ombre faute d'avoir trouvé un label, de pouvoir engager un chargé de communication, d'être programmés dans des festivals... via une intelligente formule de "jauge à palier" dont on peut découvrir en ligne le mécanisme.



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