jeudi 1 juillet 2010

Enceintes Audiovector S3 Super - suite


Nous avions repéré les S3 lors du salon Haute Fidélité d'octobre 2009 sur le stand de leur importateur, qui les avait associées à l'intégré Naim Audio Unity - et qui promeut toujours cette combinaison sous la forme d'un "pack" à prix contenu dans lequel la connectique hp est offerte. Une bien belle surprise ! 

Revendeurs et journalistes présents à la démo presse avaient tous eu l'impression très satisfaisante d'être placés face à un système particulièrement plug and play qui outre sa simplicité d'installation délivrait un niveau de qualité subjectif très impressionnant eu égard à son prix. Il nous tardait donc d'écouter plus longuement les S3, à domicile, en essayant notamment d'autres modèles d'amplificateurs, et sur un programme musical plus varié.

Il s'avère donc que les S3 Super sont des filles toniques mais rigoureuses, qui ne cachent pas longtemps leur origine nordique ! Au sens où la restitution affiche beaucoup de distinction, d'élégance et de rigueur, mais aussi une petite touche de brillance. Car de prime abord, tout juste sorties de leur carton, elles affectent une légère mise en avant du registre haut-médium qui pourrait faire craindre quelque crispation sur le long terme. Crainte largement infondée, car il faut admettre qu'après quelques minutes de mise en chauffe et de calage, le qualificatif qui vient spontanément à l'esprit à leur écoute est bien le mot équilibre.

Mais les essais ont du bon, permettent de bien faire le tour d'un produit, et de vérifier en particulier si son potentiel d'évolution est réel. S'agissant des S3 Super, le doute n'est pas permis ! Avec une électronique plutôt ferme et neutre comme mon gros bloc Chord, leur performance subjective est très élevée, et elles se distinguent en permanence par une extrême droiture.

Pour qui recherche davantage de chaleur, l'association avec une électronique en classe A fait merveille, comme nous avons pu le constater avec le bloc stéréo Pass Labs XA30.5. Sans même s'étendre sur les possibilités de bi ou tri-amplification active proposées par le constructeur, mais que nous n'avons pas mises en oeuvre.

Quoiqu'il en soit, il est certain que les Audiovector S3 Super restent des enceintes claires, favorisant la découverte de petits bruits d'enregistrement, ou encore la mise à nu des informations de réverbération de salles. Mais pas seulement, fort heureusement ! Ce sont aussi les cymbales ou les notes les plus aigües du piano et de la guitare qui profitent de ce caractère lumineux. Une caractéristique bien contrebalancée par un médium consistant, plutôt charnu, et une réelle aptitude à descendre très bas dans le grave. Un grave dense et nerveux, assurant un incontestable sens du swing. 


Et l'on constate aisément, sur Cassandra Wilson sings standards par exemple, à quel point cette paire de transducteurs est capable de rapprocher la chanteuse de l'auditeur, de lui donner une belle consistance vocale, tandis que la scène sonore, très lisible, se découvre tant en profondeur qu'en largeur sans trou central. Il s'agit pourtant d'un enregistrement un peu sec, qui selon moi manque sensiblement de velouté pour un opus de jazz vocal. Certes, les S3 Super n'ajoutent aucune chaleur particulière à ce message, ce n'est pas dans leur caractère ! Mais elles parviennent à mettre l'auditeur en contact rapproché avec les interprètes, à révéler une forme assez inhabituelle de naturel et de spontanéité dans leur jeu.

Elles rendent ainsi admirablement justice au très beau disque fantaisie_fantasme du pianiste David Greilsammer, magnifiquement capté par P.-A. Signoret à l'auditorium l'Heure Bleue de La Chaux-de-Fonds, avec un arsenal technique irréprochable faisant largement appel à des matériels d'origine... danoise ! Micros DPA (ex - Bruel & Kjaer) et Neumann (ça, c'est allemand !), préamplis DPA, et convertisseur AX24 de marque DAD (pour Digital Audio Denmark) très réputé dans le monde professionnel. 

Ici encore, la restitution fait preuve de beaucoup de densité, d'une amplitude et d'une justesse spectrales très réalistes, d'une transparence permettant de percevoir les moindres pianissimi, bruits et résonances de cordes et de sommier (notamment sur les pièces de John Cage contenues dans ce programme étonnant).

Et la qualité de silence entourant ce piano reproduit grandeur nature ou presque se révèle d'une pureté toute helvétique. Les quelques 77 fascinantes minutes passées nuitamment en compagnie de ce long disque m'ont facilement donné l'illusion crédible qu'un Steinway D était entré dans mon salon... 

Si elles sont remarquablement ouvertes, précises et droites, il nous restait à vérifier si les S3 étaient également capables de produire un gros son. Pour cela, il existe une arme quasi-absolue ! Il s'agit d'un disque Dorian Recordings déjà ancien (1988), qui contient les transcriptions pour grand orgue par Jean Guillou des Tableaux d'une exposition de Moussorgsky et des Trois danses de Petrouchka de Stravinsky

Un des plus spectaculaires disques d'orgue qui soient, superbement enregistré à la Tonhalle de Zurich, sur un instrument monumental conçu par l'interprète lui même, et dont les plus grand tuyaux produisent une fondamentale à 16 Hz ! Même si celle-ci n'est qu'esquissée par les S3 Super (données pour reproduire la fréquence de 30 Hz à -6dB) ce qu'elles sont capables de délivrer ici confine à l'exceptionnel. A condition toutefois d'en retirer les caches haut-parleurs à fixation magnétique, qui sur un tel programme s'avèrent vite générateurs de vibrations parasites. 

Même sous un volume sonore impressionnant, les S3 Super, bien éloignées du mur arrière, restent totalement imperturbables et retranscrivent la démesure de l'instrument sans la moindre difficulté. A niveau d'écoute très élevé, la  sollicitation dans le grave est quasiment monstrueuse, mais il semble que nous soyons encore loin du talonnement des membranes ! En tous cas, la distorsion perçue reste tout à fait négligeable. Il semble que les solutions techniques développées par Audiovector porte leurs fruits.

Et quel que soit le registre (extrême grave, grave, medium, aigu) la transcription des différents jeux d'orgues est d'une grande transparence, le vibrato des notes particulièrement manifeste. C'est souvent un lieu commun en matière d'écoute critique d'enceintes, mais on peut dire ici que l'effacement des sources sonores au profit d'un espace sonore sonore vaste, stable et détaillé est particulièrement remarquable.

La grande droiture des S3 Super les rendra sans doute plus intransigeantes vis à vis de programmes pop/rock, où le moindre déséquilibre tonal risque d'être franchement mis en lumière.


Leur aptitude à fouiller un mix les rend également très révélatrices de toutes les approximations ou simplifications réalisées en studio. 




C'est ainsi que sur des galettes bien faites telles que The power to believe de King Crimson ou Our love to admire d'Interpol, le plaisir d'écoute est manifeste, quitte à rapprocher sensiblement les enceintes du mur arrière afin de renforcer le bas du spectre et corriger ainsi un équilibre tonal qui sans cela paraîtrait ascendant.

Bien que musicalement très inspiré, le récent Mantaray de Siouxsee laisse davantage l'auditeur sur sa faim, les S3 Super révélant ici une production certes ambitieuse et complexe, mais desservie par un manque de précision et de densité sonores.


Conclusion

Les Audiovector S3 Super présentent un potentiel énorme, et offrent immédiatement une restitution de très grande classe. Leur potentiel pourra s'exploiter en les faisant évoluer progressivement vers des configurations toujours plus sophistiquées. On pourra épiloguer sur l'attractivité économique pure d'une telle démarche, qui se révèle à l'usage plus coûteuse que l'acquisition immédiate d'un modèle supérieur. Cela dit, la possibilité existe. 

On pourra également passer à une solution de multi-amplification active, ce qui permet, sur la plupart des systèmes qui l'autorisent, un gain réel sur pratiquement tous les paramètres de l'écoute, et en particulier sur la "décontraction", la fluidité de la restitution. Dans la myriade de produits proposés sur le marché, voila donc une référence qui se distingue par l'investissement pérenne qu'elle représente.

Mais dans leur version Super, les Audiovector S3 constituent déjà une véritable affaire ! Elles offrent un faisceau de qualités subjectives très impressionnant, propre propre à ravir immédiatement les amateurs de transparence et de rigueur. Ce qui ne se fait pas au détriment de la musicalité. Les auditeurs pour qui souplesse et chaleur ostensibles sont des vertus cardinales mais que ce produit attire devront sans doute faire preuve de plus de patience. Mais s'ils cherchent un peu, ils trouveront sans aucun doute la bonne association (électroniques, câbles) et le bon positionnement (dans la pièce d'écoute) qui leur permettra de réaliser une manière de compromis vertueux entre réalisme sonore et sensualité du message.

Et comme nous aimons bien, chez Signal sur bruit, procéder à des dégustations verticales, nous attendons avec impatience la possibilité d'écouter les versions Signature et Avant-garde de ces mêmes S3 !