lundi 18 avril 2011

Pina, de Wim Wenders







Alors que l’on commence à lire ici et là des commentaires ou analyses – pas tous dénués de fondement – qui remettent en cause la 3D au cinéma, notre très beau mois d’avril s’est ouvert avec l’arrivée en salles de «Pina», film en relief réalisé par Wim Wenders.

A travers quatre longs extraits de chorégraphies, des témoignages sobres des danseurs et de quelques images d’archives (planes et le plus souvent en noir et blanc, mais astucieusement insérées dans la scénographie tridimensionnelle), le film s’emploie à rendre hommage à la chorégraphe allemande Pina Bauschdisparue en juin 2009, et qui aura été à la tête du Tanztheater Wuppertal pendant plus de trente ans. 
Mais aussi à offrir une perspective tout à fait inédite sur quelques œuvres choisies, exécutées sur une scène ou en décors «naturels» (sous-bois, métro suspendu et rues de Wuppertal, sites industriels ou édifices ultramodernes).


La réalisation 3D, elle-même magistralement chorégraphiée, alterne points de vue distanciés mais profonds et angles singulièrement immersifs, qui donnent à ressentir les chorégraphies comme jamais spectateur n’a pu les appréhender.
Et c’est aussi une des forces de ce film captivant que de communiquer l’envie de danser tant il s’approche au plus près des danseurs, de leurs expressions, de leurs motivations. Il consacre aussi vingt ans d’amitié et d’admiration réciproques entre la chorégraphe et le réalisateur. Enchaîné comme une variation sur le thème des saisons, il s’ouvre sur de larges extraits d’un magnifique et poignant Sacre du printemps.

Même si les confidences des danseurs, qui un à un se racontent brièvement, restent parfois anecdotiques et presque systématiquement admiratives, on retiendra de leurs propos trois traits majeurs de leur relation à Pina : la quasi-fusion des identités des danseurs et de leur chorégraphe, l’injonction qui leur était faite de dépasser sans cesse leurs limites, la possibilité qui leur était donnée de le faire en toute liberté, en allant puiser au fond d’eux-mêmes. 

Dans le début du film, Pina Bausch dit en substance que la danse définit un langage au delà des mots. Certes, cet aphorisme pourrait être soutenu par tout chorégraphe, sculpteur, photographe ou peintre. Mais il s’applique rarement mieux qu’aux œuvres expressives et radicales du Tanztheater de Wuppertal, tellement chargées de sens.



Nous tenons donc «Pina» pour un film essentiel, qui s’adresse à chacun d’entre nous – amateur de danse contemporaine ou non. 

Un film qui ne dit presque rien mais qui raconte tout. Tout de la fragilité de l'être. Des identités bafouées, de la solitude, mais aussi de la puissance des rêves qui met les corps en mouvement. Un film qui montre comme jamais une œuvre puissante, dramatique, parfois traversée d’un humour acide et désespéré. Qui révèle l’absurdité du poids des conventions, dénonce à grands gestes pas forcément silencieux la dépersonnalisation de l’individu face aux codes imposés par la société.

Un film également nourri par une bande son forte et variée, qui fait résonner Stravinsky, Mahler et Purcell aux côtés de Caetano Veloso et des créations électro-planantes du guitariste allemand Thomas Hanreich ou de Jun Miyake.



Malheureusement, ce film n’est projeté en France que dans un nombre très limité de salles, dans des cinémas «indépendants» et dans le réseau Mk2. Un dossier de presse très complet (mais qui ne mentionne pas les détails de la bande son) peut être consulté sur le site des Films du Losange.




Voir la bande annonce (en 2D !)


Pina
Un film de Wim Wenders pour Pina Bausch
Durée : 1 h 43
Production : Neue Road Movies


Crédits photographiques : Donata Wenders